mercredi 8 novembre 2017

La cour du lion - La Fontaine






Sa Majesté Lionne un jour voulut connaître
De quelles nations le Ciel l'avait fait maître.
Il manda donc par députés
Ses vassaux de toute nature,
Envoyant de tous les côtés
Une circulaire écriture,
Avec son sceau. L'écrit portait
Qu'un mois durant le Roi tiendrait
Cour plénière, dont l'ouverture
Devait être un fort grand festin,
Suivi des tours de Fagotin.
Par ce trait de magnificence
Le Prince à ses sujets étalait sa puissance.
En son Louvre il les invita.
Quel Louvre ! Un vrai charnier, dont l'odeur se porta
D'abord au nez des gens. L'Ours boucha sa narine :
Il se fût bien passé de faire cette mine,
Sa grimace déplut. Le Monarque irrité
L'envoya chez Pluton faire le dégoûté.
Le Singe approuva fort cette sévérité,
Et flatteur excessif il loua la colère
Et la griffe du Prince, et l'antre, et cette odeur :
Il n'était ambre, il n'était fleur,
Qui ne fût ail au prix. Sa sotte flatterie
Eut un mauvais succès, et fut encore punie.
Ce Monseigneur du Lion-là
Fut parent de Caligula.
Le Renard étant proche : Or çà, lui dit le Sire,
Que sens-tu ? Dis-le-moi : parle sans déguiser.
L'autre aussitôt de s'excuser,
Alléguant un grand rhume : il ne pouvait que dire
Sans odorat ; bref, il s'en tire.
Ceci vous sert d'enseignement :
Ne soyez à la cour, si vous voulez y plaire,
Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère,
Et tâchez quelquefois de répondre en Normand.

Jean de La Fontaine. Livre VII




Les fables de La Fontaine ont été écrites au XVIIe siècle. Il s'agit de textes plaisants destinés à l'éducation du jeune Dauphin, fils de Louis XV. Ces fables sont souvent basées sur des histoires d’animaux qui représentent des hommes de manière déguisée, afin de contourner la censure. Cet anthropomorphisme permet de mettre en lumière et de dénoncer des comportements humains. Dans cette fable, il convient de s'interroger pour savoir quelle réflexion sur les animaux et sur les hommes La Fontaine souhaite nous communiquer. Nous verrons tout d'abord le récit vif fait par l'auteur puis comment La Fontaine se sert de la représentation animale pour nous parler de l'homme et enfin la morale  satirique de cette histoire.

1- la structure du récit : un récit rapide et vivant

A - la structure

Il s’agit d’une une fable : c'est-à-dire d’un récit et une morale (Apologue). La morale est présente dans les quatre derniers vers.
  • le composition : le récit comprend deux temps :
  • Convocation des vassaux vers un à 14 : il s'agit du cadre temporel
  • Intervention des trois animaux vers 15 à 32 : l’ours, vers 15 à 19 ; le singe, vers 20 à 27 ; le renard vers 28 à 32
  • l’utilisation des temps : le récit v 1 à 33 alterne passé simple/imparfait : « voulut » « manda » «invita»/« portait» « devait » « étalait », sauf pour le dialogue qui lui emploie le présent. Ce sont les temps habituels du récit, le passé simple pour les actions dans le passé et l'imparfait pour les descriptions, le décor. La Fontaine passe ensuite au présent d’énonciation « sert » et à l'impératif présent « ne soyez » « tachez ». Il adresse un conseil au lecteur cf. "vous", ce qui constitue sa morale qui a valeur universelle.

B - la vivacité du récit basée sur les procédés poétiques

  • La longueur du du vers : Alternance entre les octosyllabes et les alexandrins 

V1 et 2 : alexandrins : il pose le propos, l'objectif du roi ;
V2 à 14 : octosyllabes : première partie du récit il s'agit de l'organisation de l'événement ;
V15 à 33 : Alternance plus ou moins longue d'alexandrins et d'octosyllabes : l'instillation des octosyllabes au milieu des alexandrins permet d'accélérer le récit comme aux vers 26 et 27 : les octosyllabes tranchent et montrent la cruauté du roi ; ou encore de mettre en valeur cf. vers 23 : insistance sur la flatterie outrancière du singe.

  • Rythme 
Cette fable comporte beaucoup d'effets de rythme par ses enjambement avec rejet ou contre-rejet. Cf. V8/9/10 « l’écrit portait/ qu'un mois durant le roi tiendrait/cour plénière » ou encore v15/16« un vrai charnier/ dont l'odeur se porta d'abord au nez des gens »
On peut remarquer que le rythme du vers ne coïncide pas avec le rythme de la phrase. Cela met en valeur certains mots par les rejets ou les contre-rejets. Cet effet permet de garder l'intérêt du lecteur en éveil. Cela souligne également la justice arbitraire du roi cf. vers 19/20 : « le monarque irrité/l’envoya chez Pluton faire le dégoûté » ; vers 24/25 « sa sotte flatterie/ eut un mauvais succès, et fut encore punie »

  • Variété des rimes : On peut remarquer le schéma varié d'articulation des rimes :
Plates : « connaître/naître »
Croisées : « députés/nature/côtés/écriture
Embrassées : écriture/portait/tiendrait/ouverture
Le mot écriture est utilisé dans deux schémas différents, le schéma croisé et le schéma embrassé et contribue ainsi à les emmêler.
Enfin vers 21 « Colère » ne rime qu'avec les vers 34/35 « plaire/sincère » 
Cette variété dans le schéma des rimes contribue à créer des ruptures dans les différentes sonorités et à ne pas avoir un rythme monocorde, mais à garder un rythme très varié qui permet de retenir l'attention du lecteur.

2- la transposition humaine de la représentation animale

A - les différents personnages

Des personnages stéréotypés :
  • Le lion : le Roi et de multiples périphrases qui décrivent comme « Sa Majesté Lionne » « le Prince »« le Monarque » « ce Monseigneur du Lion-là » « Le Sire ». À chaque fois l'emploi d'une majuscules souligne la toute-puissance du roi.
  • L’ours : maladroit, balourd et stupide
  • Le singe : flatteur, obséquieux cf. : « flatterie »
  • Le renard : rusé et malin cf : le roman de Renard. Ce terme reprend le nom donné au goupil dans cet ouvrage. Sa ruse lui permet de « s'en tirer»

Des animaux anthropomorphes :
  • Les animaux ont des attitudes humaines, cf : L’ours : « boucha sa narine » ; « sa grimace » ; «irrité» ; faire le dégoûté »
  • Les animaux ont des caractéristiques humaines comme :
  • La volonté : « voulu connaître »
  • Lecture/écriture : « une circulaire écriture »
  • La parole : « lui dit le sire »
  • La maladie humaine : « le rhume»

B - le parallèle entre la cour et le monde animal

  • Le vocabulaire : le champ lexical de la monarchie est très présent cf. « majesté ; vassaux ; Louvre ; circulaire ; sceau ; cour ; Prince ; Monarque ; Monseigneur »
  • La convocation royale : le roi tout-puissant réunit ses vassaux. Il s'agit d'une procédure formelle juridique et précise CF « manda» : Donner l'ordre de venir par « circulaire écriture, avec son saut » c'est-à-dire qu'il s'agit d'une convocation obligatoire pour les vassaux, qui sont juridiquement subordonné à leur suzerain. Cette convocation est destiné à tenir une « cours plénière » c'est-à-dire une cour entière et complète de tous les vaisseaux qui n'ont aucune possibilité de s'y soustraire.
  • La toute puissance du roi : Le discours direct que le Roi est le seul à employer cf. vers 28 et 29 : Il est le seul à pouvoir vraiment exprimer librement ses pensées par rapport aux courtisans dont le discours est complètement contraint.

3 - la morale satirique

A - la satire sociale

La Fontaine fait une critique des courtisans et de leur comportement. Ils ne sont pas eux-mêmes mais se construisent un personnage dans le but de plaire au tout-puissant :
  • L’ours représente le maladroit, le balourd, il est un peu bête et ne sait pas dissimuler sa réaction spontanée. Aussi, il déclenche la colère du roi. Il est un courtisan bête est un peu balourd.
  • Le singe est le représentant du flatteur outrancier cf : la gradation : « approuva » loua » «flatterie». Il est capable de tous les mensonges et même de dire l'inverse de ce qu'il pense, il soutient que l'ambre est la fleur sentent l'ail en comparaison de cette odeur qui en comparaison en devient sublime. La flatterie est renforcée par la répétition de la conjonction « et » vers 22 et par le rythme ternaire de la flatterie du singe « et la griffe du Prince/et l'antre/et cette odeur ; Il n’était ambre/il n'était fleur/qui ne fût ail au prix » auquel répond le rythme ternaire de la sanction du lion qui tombe comme un couperet car même s'il aime la flatterie il a su se rendre compte du mensonge du singe cf :« Sa sotte flatterie/eut un mauvais succès/Il fut encore punie»
  • Le renard seul « s’en tire » vers 32 grâce à un habile mensonge. Il incarne le courtisan rusé qui sait se sortir des situations délicates.

B - la satire politique

La Fontaine critique directement l'arbitraire de la monarchie absolue dont le pouvoir est incarné par le roi. Il est décrit comme vaniteux dès les deux premiers vers car il veut montrer sa toute puissance à ses sujets cf. : « de quelle nation le Ciel l'avait fait naître » également dans les vers 12 et 13« Par ce trait de magnificence le Prince à ses sujets étalait sa puissance ».
Cette toute puissance est également soulignée par l'emploi du discours direct, réservé au seul monarque cf. vers 28 et 29, ce qui montre également qu'il est le seul à pouvoir montrer sa véritable pensée. Le roi est également dominé par ses passions et il se montre coléreux voire très violent. On peut noter une disproportion des sanctions entre les actes des courtisans et les condamnations à mort qu'ils entraînent cf : « l'envoya chez Pluton» il s'agit ici du dieu des morts ; « fut parent de Caligula » en référence à l'emprunt romain sanguinaire. De même, le roi emploie la force cf vers 22 « la griffe ».
Par ailleurs, La Fontaine se moque de la cour qui est censée être l'endroit le plus élégant et le plus raffiné du royaume et qui est comparée à un « charnier » vers 15. Il crée un effet comique et satirique par l'emploi v15 et 16 d’alexandrins. L'alexandrin est un vers élégant et raffiné dans sa forme alors que le sens de ces alexandrins évoque au contraire une puanteur pestilentielle.

C - une morale ironique

La Fontaine souligne qu’à la cour on ne peut être soi-même en toute franchise cf double négation vers 35 « ni… ni », sa morale conseille donc la prudence quitte à pratiquer le mensonge de façon mesurée, mais il souligne bien qu'il s'agit d'un code qui empêche le courtisan d'avoir une opinion personnelle et de l'exprimer. Celui-ci doit choisir l'hypocrisie et abandonner toute forme de franchise.

Conclusion


Comme dans de nombreuses fables La Fontaine utilise les animaux pour évoquer les hommes et place son histoire dans un cadre qui sans être trop précis, évoque la cour. Cela lui permet de contourner la censure et de critiquer de manière plaisante la toute puissance du pouvoir royal ainsi que l'attitude hypocrite des courtisans. On peut rapprocher ce texte des textes des philosophes des lumières qu’il préfigure et qui critiqueront, à leur tour à la monarchie absolue dans des œuvres qui apparaissent au premier abord comme des histoires un peu simples et plaisantes comme par exemple Voltaire le fera dans Candide, mais qui n’en seront pas moins des oeuvres très critiques.

Bohémiens en voyage - Baudelaire




La tribu prophétique aux prunelles ardentes
Hier s'est mise en route, emportant ses petits
Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits
Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes.

Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes
Le long des chariots où les leurs sont blottis,
Promenant sur le ciel des yeux appesantis
Par le morne regret des chimères absentes.

Du fond de son réduit sablonneux, le grillon,
Les regardant passer, redouble sa chanson ;
Cybèle, qui les aime, augmente ses verdures,

Fait couler le rocher et fleurir le désert
Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert
L'empire familier des ténèbres futures.



Baudelaire, poète du XIXe siècle marque un tournant dans la poésie. Dans son recueil les Fleurs du mal, il recherche sans cesse un idéal inaccessible (Le paradis, le voyage, l'amour, l'enfant, les paradis artificiels). Cette quête inassouvie le plonge dans un profond Spleen, c'est-à-dire un état dépressif, car il ne trouve pas sa place dans la société et il amorce ainsi une descente aux enfers, aspirant finalement à la mort. Ce recueil fit scandale, à l’époque, car jugé trop érotique, trivial et contre la bonne morale. Pour Baudelaire, le poète est un visionnaire doté d'un don qui lui permet de révéler les mystères du monde au commun des lecteurs. Dans ce poème, on retrouve cette idée du poète visionnaire qui se compare aux bohémiens, à la fois rejeté, visionnaire de l’avenir et dont le don lui permet de comprendre des forces supérieures. Il conviendra donc de s'interroger sur la vision du monde du poète dans ce texte. Pour cela nous verrons comment il met en relief l'aspect prophétique des bohémiens et du poète, puis comment il montre leur rejet social et enfin comment il célèbre leur communion avec des forces non humaines.

1 - L'aspect prophétique

A - les références religieuses

Les bohémiens dès le premier vers sont comparés à « une tribu prophétique » ce qui peut faire penser aux tribus bibliques (les 12 tribus d’Israël), d'autres références bibliques au vers 12 sont également présentes, Baudelaire fait référence un miracle de Moïse (le rocher d’Horer) et un autre passage de la bible dans lequel Jehovah "fait fleurir le désert". Aussi Il s'agirait de voir les bohémiens comme un peuple élu, nomade et chargé de délivrer un message divin, la prophétie.

B - le don de lire l’avenir

Mais les bohémiens sont également prophètes car ils sont capables de décrypter l'avenir. En effet, par tradition, les bohémiens exerçaient le don de voyance, disant la bonne aventure. Cette référence aux dons de voyance est renforcée par le terme de « prunelles ardentes », cette métonymie à propos de leur regard permet d'attirer l'attention du lecteur sur celui-ci et de suggérer ce don de double vue, car ce regard brulant serait capable de percer les secrets de l’avenir. Dans les vers 8 et 9, le poète se réfère encore au regard des bohémiens cf. « yeux appesantis » suggérant à nouveau ce don de lire l’avenir, tout en suggérant que celui-ci leur inspire une certaine tristesse cf. « mornes regrets ». En effet, ils sont sans illusions ne pouvant, du fait de leur don, avoir des rêves cf. emploi d’un vocabulaire péjoratif« chimères absentes » "ténèbres futures". Des allitérations en "r" au vers 8 renforcent la dureté de cette désillusion. De plus, aux vers 13 et 14 l'auteur se réfère une nouvelle fois au don de prophétie des bohémiens, suggérant que leur est « ouvert » l'avenir qui est qualifié « d’empire familier des ténèbres futures ». Ce don de prophétie qui devrait être une bénédiction n'était en fait qu'un malheur, car il empêche tout rêve.

C - Le don du poète

Baudelaire se compare à la situation des bohémiens. En effet, en tant que poète il est lui-même un être doté d'un don qui lui permet de révéler le monde aux lecteurs.Cependant comme pour les bohémiens, ce don est une malédiction car il entraîne de grandes désillusions qui le plongent dans le Spleen alors que celui-ci recherche l'idéal cf. vers 4 « le trésor ».

2 - le rejet

Dès le titre « bohémiens en voyage », nous savons que le poète dans ce sonnet va traiter des gitans, peuple dont la culture a toujours été rejetée et marginalisée. Les bohémiens sont traités de "tribu" ce qui peut les renvoyer au rang de peuple primitif et peu civilisé faisant référence à la préhistoire de l’homme. Cette idée est renforcée par des métaphores animales comme «emportant ses petits sur son dos» ou encore « mamelles pendantes ». 

B - Un peuple errant

Les références au nomadisme des bohémiens sont nombreuses dans ce poème au travers du champ lexical du déplacement cf. "voyage, route, emportant, vont à pied, chariots, promenant, passer, voyageurs". Les bohémiens donnent également un aspect de personnes démunies, obligées de marcher pour se déplacer cf. « les hommes vont à pied » ou encore manquant de vêtements car « les mamelles» sont visibles. De plus, il donne le sentiment d'un peuple errant car il s’est "mis en route" mais nul ne sait d’où ils viennent et vers quelle destination ils vont. Ceci est renforcé par des allitérations en « pr», « prophétique, prunelle », en « r» et « p» qui imitent le son des roues des chariots sur les routes qui semblent très lourds à tirer. De même, au vers 6 des allitérations en « l » « le, long, les, leurs, blottis » renforcent le sentiment de personnes craintives voire tremblantes devant le rejet de la société et ayant sans doute besoin de se défendre devant les persécutions comme en témoignent les "armes luisantes" dont sont pourvus les hommes.

C - Le rejet du poète

Le poète qui se considère lui-même comme un prophète n’hésite pas à se comparer indirectement aux bohémiens. Lui qui aspire à un idéal cf. « trésors » et qui est un visionnaire comme le montrent les expressions «prunelles ardentes», « chimères » « ouvert à l'empire familier des ténèbres futures », se sent un marginal rejeté par la société, sentiment qu’il appelle le spleen. Dans le premier tercet en se comparant au « grillon », le poète montre bien sa marginalité car il est cantonné « au fond d'un réduit sablonneux » c'est-à-dire vivant totalement en marge de la société, ce qui le rapproche néanmoins de la nature.

3- la communion avec des forces non humaines


A - La symbolique de la nature

Les deux Tercets font apparaître la nature dans ce poème en suggérant que ces prophètes sont proches d'une nature ils sont plus aptes à comprendre. Ainsi au vers 9 voit-on apparaître « le grillon » qui « redouble sa chanson ». Celui-ci symbolise un porte-bonheur dans de nombreuses cultures et est surnommé "petit cheval du bon dieu" apportant richesse et chaleur au foyer mais il peut également être vu comme une métaphore du poète qui se sent proche de ce peuple et qui va leur prêter « sa chanson » c’est à dire sa prose. La chanson du poète est également symbolisée par des allitérations sifflantes en "s" cf. "son", sablonneux", passer", "chanson" Cybelle", "ses" qui imitent la stridulation du grillon.

B - La symbolique religieuse

De même, l'apparition de « Cybelle » déesse de la fertilité, ainsi que les termes « aime » et «augmente ses verdures » suggère une notion d'amour charnel en communion avec la nature, «verdure » pouvant faire à la fois référence à la nature et à une certaine intensité de la passion amoureuse. Au vers 12 on peut relever des références qui sont directement bibliques et non plus païennes comme au ver précédent. « fais couler le rocher » faisant référence à Moïse qui frappa le rocher pour faire jaillir l'eau et abreuver son peuple, tandis que dans un autre passage de la Bible la présence de Jéhovah suffit à faire « fleurir le désert ». Baudelaire mêle les références bibliques et païennes pour souligner le paganisme des bohémiens. De même, cette référence à différentes époques antiques montre que ce peuple proche de la nature a traversé toutes les époques. Cette symbolique religieuse est certainement à rapprocher de l’idée de Baudelaire du poète doté d’un don qui lui permet d’entrer en contact avec des forces auxquelles les hommes n’ont pas accès.

Conclusion


Comme le bohémien le poète porte sur le monde un regard mélancolique et désabusé. Il se sent inadapté socialement, nomade dans un monde sédentaire, persécuté parmi ses contemporains, il cherche comme le bohémien un idéal qui lui échappe engendrant un incommensurable spleen.

vendredi 19 mai 2017

Voltaire - Candide chapitre VI : "l'autodafé"



Intro : Candide est un conte philosophique écrit par Voltaire en 1759. Voltaire est un philosophe des lumières très célèbre du XVIIIe siècle, il est resté très célèbre pour ses œuvres qui comprennent des contes philosophiques comme Zadig et Candide de nombreuses lettres, des pièces de théâtre etc.. Il y dénonce, dans ce conte, l'arbitraire de ce monde ainsi que la philosophie optimiste de Leibniz qui consiste à faire croire que tout est "pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles". Le héros Candide ainsi que les autres protagonistes du livre subiront de multiples aventures extraordinaires qui les conduiront vers une fin moraliste. Dans ce passage on s’interroge sur le fait de savoir comment Voltaire s'emploie à dénoncer l'arbitraire de l'Inquisition.
Aussi, nous étudierons en quoi ce passage est une mise en scène carnavalesque puis comment Voltaire fait un argumentaire contre l'absurdité de l'inquisition et enfin comment il emploie l'humour noir et l'ironie.

1 - Une mise en scène carnavalesque

Un récit dense et rapide donné par:
    • Juxtaposition de quatre actions. :
    • La prise de décision de l'autodafé
    • La désignation des coupables
    • la procession religieuse
    • L'exécution des coupables
    • Ellipse narrative
Les éléments sont seulement juxtaposés. Voltaire fait une ellipse (un raccourci) narrative de huit jours pour concentrer le récit.
    • Le texte s'ouvre et se termine sur le même point : la terre tremble : l’action n’a pas avancé, donc la cérémonie est inutile

La cérémonie religieuse ridicule
Il s'agit d'une sorte de spectacle de parade de carnaval. cf les habits : "Mitres de papier, San Benito," les motifs des habits : "les flammes renversées, les diables qui n'ont ni queue ni griffes" (on peut rapprocher cette expression de celle de ni queue ni tête qui signifie dans le langage populaire quelque chose dépourvu de sens)

la beauté de la procession : cf « procession » « sermon » « belle musique en faux bourdon »; il insiste plus sur la beauté du spectacle que sur son fondement moral ou scientifique (Ce qui est normal puisse que c'est cette cérémonie est basée sur l'absurde et non sur un fondement scientifique)

Divertir le peuple : « donner au peuple un bel autodafé ». C'est expression est à rapprocher de l'expression latine "donner du pain et des jeux". L'idée dans l'Antiquité comme ici est de détourner l'attention du peuple de l'impuissance des gouvernants.

2 - Un argumentaire contre l'absurdité de l'Inquisition

– Dénonciation de l'arbitraire de l'Inquisition : Voltaire philosophe des lumières cherche à dénoncer l'arbitraire religieux. Ici il démontre celui-ci en s'appuyant sur des éléments qu'il montre comme complètement irrationnels ex : il n'y a aucun rapport entre le tremblement de terre et le fait de faire un autodafé. La terre tremble eu début et à la fin du texte soulignant que l'inutilité de cet autodafé 
On comprend d'emblée que l'autodafé ne servira à rien ce qui discrédite cette action basée sur la superstition

Une décision absurde : Les dirigeants sont qualifiés ironiquement de « sages » ils appartiennent également à l'élite intellectuelle car ils font partie de "l'université » or leur décision apparaît comme absurde et basée sur la croyance et non pas sur la réalité scientifique. Cela montre bien qu'ils sont incapables voire sectaires, c'est-à-dire totalement opposés à l'esprit de la philosophie des lumières qui lui est basé sur la connaissance et non sur la superstition.

–« On avait en conséquence saisi un biscaïen » le connecteur logique "en conséquence " qui doit normalement induire un fait  logique, s'avère totalement absurde ici. Cette phrase est donc entièrement illogique ce qui montre bien ce que Voltaire veut dénoncer c'est-à-dire cette logique absurde et arbitraire.

– Quelles sont les raisons qui poussent l'inquisition à arrêter les condamnés ?
  • Le biscaïen a épousé sa commère : cela signifie qu'il a épousé la marraine de l'enfant dont il est le parrain. Cela est interdit par l'église à l'époque.
  • Les Portugais ont arraché le lard qui était autour du poulet. Cela signifie qu'ils ne mangent pas de porc et donc que ce sont sans doute des juifs qui se sont convertis après la Reconquista. L'Inquisition faisait la chasse aux juifs qui se cachaient
  • Candide et Pangloss sont arrêtés pour des motifs irrationnels et imbéciles : l'un a parlé et l'autre à écouté 
L'enchaînement des raisons qui poussent l' Inquisition à arrêter les condamnés connait donc une gradation sur un mode de plus en plus stupide et irrationnel. Voltaire invite donc le lecteur à s'interroger sur ce type de décisions et sur les raisons qui les motivent à fin de lui montrer à quel point l'arbitraire peut-être poussé loin

3 - L’emploi de l'humour noir et de l'ironie

L'humour noir : Voltaire emploie l'humour noir avec efficacité. Il décrit une situation horrible avec un grand détachement. Par exemple il décrit le spectacle de l'autodafé comme une recette de cuisine« Quelques personnes brûlées à petit feu", ou la prison comme un endroit présentant un avantage celui de ne pas être "incommodé par le soleil"

L'ironie : Voltaire dans l'ensemble du conte philosophique utilise énormément l'ironie. Elle consiste pour lui à écrire l'inverse de ce qu'il pense réellement. Il fait semblant d'être d'accord avec les situations qu'il décrit pour mieux les dénoncer. Il s'agit en réalité d'un faux éloge ou  d'un éloge paradoxal :
  • cf. : lorsqu'il utilise des termes mélioratifs comme « les sages » « efficace » « bel » il feint d'être d'accord avec ce spectacle tout en rendant son lecteur complice car celui-ci comprend bien le sens contraire des faits qui sont énoncés.
  • cf. : antiphrases : "n’avait pas trouvé moyen plus efficace" ou "secret infaillible pour empêcher la terre de trembler"
  • De même Voltaire se moque de la prison qu'il ne nomme pas directement mais qu'il désigne sous l’expression ironique « des appartements d'une extrême fraîcheur»
  • Oxymore : "à petit feu, en grande cérémonie" qui par effet de contraste entre un terme culinaire trivial  et le grandiose de la pompe met en lumière l’absurdité de la situation

Conclusion


Voltaire au travers d'une mise en scène pompeuse et ridicule, d'une argumentation étayée et d'une ironie mordante s’engage dans une dénonciation forte de l’arbitraire de l'Inquisition. Ce texte peut être rapproché d'autres textes des philosophes des lumières comme ceux de Montesquieu, Diderot ou Rousseau qui ont dénoncé différentes formes d'arbitraire comme celui de l’esclavage ou encore celui de l'absolutisme du pouvoir ou le sectarisme religieux.

Diderot Supplement au voyage de Bougainville : le discours du vieillard






Nous sommes libres ; et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n’es ni un dieu, ni un démon : qui es-tu donc, pour faire des esclaves ? Orou ! toi qui entends la langue de ces hommes-Là, dis-nous à tous, comme tu me l’as dit à moi, ce qu’ils ont écrit sur cette lame de métal : Ce pays est à nous. Ce pays est à toi ! et pourquoi ? parce que tu y as mis le pied ? Si un Taïtien débarquait un jour sur vos côtes, et qu’il gravât sur une de vos pierres ou sur l’écorce d’un de vos arbres : Ce pays appartient aux habitants de Taïti, qu’en penserais-tu ? Tu es le plus fort ! Et qu’est-ce que cela fait ? Lorsqu’on t’a enlevé une des méprisables bagatelles dont ton bâtiment est rempli, tu t’es récrié, tu t’es vengé ; et dans le même instant tu as projeté au fond de ton cœur le vol de toute une contrée ! Tu n’es pas esclave : tu souffrirais la mort plutôt que de l’être, et tu veux nous asservir ! Tu crois donc que le Taïtien ne sait pas défendre sa liberté et mourir ? Celui dont tu veux t’emparer comme de la brute, le Taïtien est ton frère. Vous êtes deux enfants de la nature ; quel droit as-tu sur lui qu’il n’ait pas sur toi ? Tu es venu ; nous sommes-nous jetés sur ta personne ? avons-nous pillé ton vaisseau ? t’avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis ? t’avons-nous associé dans nos champs au travail de nos animaux ? Nous avons respecté notre image en toi. Laisse-nous nos mœurs, elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes. Nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance contre tes inutiles lumières. Tout ce qui nous est nécessaire et bon, nous le possédons. Sommes-nous dignes de mépris parce que nous n’avons pas su nous faire des besoins superflus ? Lorsque nous avons faim, nous avons de quoi manger ; lorsque nous avons froid, nous avons de quoi nous vêtir. Tu es entré dans nos cabanes, qu’y manque-t-il, à ton avis ? (…) Va dans ta contrée t’agiter, te tourmenter tant que tu voudras ; laisse-nous reposer : ne nous entête ni de tes besoins factices, ni de tes vertus chimériques. Regarde ces hommes ; vois comme ils sont droits, sains et robustes Regarde ces femmes ; vois comme elles sont droites, saines, fraîches et belles. Prends cet arc, c’est le mien ; appelle à ton aide un, deux, trois, quatre de tes camarades, et tâchez de le tendre. Je le tends moi seul ; je laboure la terre ; je grimpe la montagne ; je perce la forêt ; je parcours une lieue de la plaine en moins d’une heure. Tes jeunes compagnons ont eu peine à me suivre, et j’ai quatre-vingt-dix ans passés. Malheur à cette île ! malheur aux Taïtiens présents, et à tous les Taïtiens à venir, du jour où tu nous as visités !

Extrait du Supplément au voyage de Bougainville (1796) de Denis Diderot (1713-1784)

Introduction

Diderot, philosophe français du XVIIIe siècle, appartient aux philosophes des Lumières aux côtés de Rousseau et de Voltaire. Il sera, avec d’Alembert, à l’origine de l’Encyclopédie. Il publiera de nombreuses oeuvres dont "Jacques le Fataliste" et sera protégé par Catherine II de Russie. Dans ce texte, il imagine un additif au récit de Bougainville qui a découvert Tahiti et dans lequel il développe le point de vue des tahitiens à l’arrivée des hommes blancs qui cherchent à s’approprier leurs terres. On peut se demander quel regard porte Diderot sur l’Homme. Nous verrons en quoi ce discours est un réquisitoire, puis comment il fait l’éloge de la société tahitienne et enfin quelles critiques adresse Diderot à la société européenne.


1 - Un réquisitoire


A - La force du discours

Nous pouvons relever l’emploi des pronoms personnels sujets "Nous" et "Je", désignant les tahitiens et le vieillard, ainsi que celui du pronom personnel "Tu" désignant l’européen. Dans cette situation d’énonciation, il s’agit pour le vieillard de faire un discours collectif au nom de son peuple, tout en prenant la parole à titre personnel à la fin. Dans ce discours, il va s’adresser à l’homme blanc en le tutoyant, ce qui lui permet à la fois, de se mettre sur un pied d’égalité en humanité avec celui-ci alors que l’homme blanc ambitionne de le dominer, tout en cherchant également à l’interpeller violemment en montrant son indignation et sa colère.
Par ailleurs, ce texte comporte une forte ponctuation cf. nombreux "? et !", qui fait alterner les questions rhétoriques et les exclamations cf. : "ce pays est à toi ? Et pourquoi !" . Cela amène le lecteur à se questionner sur le bienfondé de la position de l’homme blanc et d’adopter le point de vue du vieillard par un phénomène d’empathie qui l'amène à partager son indignation. L’emploi de nombreux impératifs permet au vieillard de donner des ordres forts à l’homme blanc cf. "Va ; Laisse-nous ; regarde ; prends ; appelle" et de laisser transparaitre la colère de son discours qui cherche à impliquer fortement le lecteur. 
De plus, l’opposition "nous/tu" montre clairement l’opposition des deux camps. Le vieillard effectue un réquisitoire qui est renforcé par l’absence de défense de l’homme blanc ; c’est un discours à charge uniquement, mais basé sur une réflexion argumentée.

B - Un discours réfléchi

Le vieillard oblige de l'homme blanc à se questionner en inversant les points de vue cf. « tu souffrirais… asservir » « nous sommes-nous jetés… » « T’avons-nous saisi et exposé aux flèches». Le vieillard démontre à l'homme blanc qu'il ne doit pas faire ce qu'il ne voudrait pas qu'on lui fît. Il montre également, leur ressemblance en humanité cf. « deux enfants de la nature » renforcée par l'antithèse « ton frère/la brute ». Le vieillard finit son discours par une véritable anathème cf. « Malheur à cette île ! Malheur aux tahitiens », mais loin de lancer une anathème envers l'homme blanc, le tahitien reste pacifiste et déplore seulement la situation de son propre peuple au regard de l'avenir qui l'attend. Ceci montre que le vieillard a bien analysé la situation et a compris les enjeux de celle-ci, mais malgré le malheur qui se profile, il fait l'éloge de la société tahitienne.

2 - L'éloge de la société tahitienne

A - Une société naturelle basée sur la simplicité

Diderot emploie très largement le champ lexical de la nature cf. « côte, pierre, écorce, arbre, nature, chant, animaux, cabane, terre, montagne, forêt, plaine, île ». Il montre ainsi une société très fortement basée sur la nature et le bonheur simple et non sur le superflu, comme dans la société européenne. Il nous indique qu'il faut apprendre à se contenter de ce que l'on a et à l'apprécier. Il s'agit donc d'une société épicurienne. L'hyperbole « tout ce qui est nécessaire » renforce l'idée que les tahitiens ne manquent de rien dans cette société naturelle. On peut retrouver le mythe du bon sauvage qui a été développé par Jean-Jacques Rousseau.

B- les valeurs positives

Diderot cherche à nous montrer que la société tahitienne est basée sur de nombreuses valeurs positives comme la liberté, cf. « nous sommes libres» ; La fraternité cf. « le tahitien est ton frère » ; le respect et la tolérance cf. « nous avons respecté notre image en toi ». De plus, il confère à l'homme et à la femme tahitienne de nombreuses qualités physiques et morales ce qui est montré par l'accumulation de plusieurs adjectifs qualificatifs. Ces qualités sont la droiture, l'absence de corruption, la beauté cf. « droit, sain, robuste » et « saine, belle, fraîche ». Il s'agit donc bien d'une société naturelle et non corrompue dans l'esprit de celle de Jean-Jacques Rousseau. Par l'emploi du questionnement dans les lignes 13 à 15 Diderot suggère que les tahitiens ont fait l'inverse de ce que les européens auraient pu attendre c'est-à-dire, qu'ils ont partagé leurs biens et ont bien accueilli les Européens. Il démontre également sa fraternité et son refus de la violence lorsqu'il dit : « le tahitien est ton frère ; avons-nous pillé ton vaisseau? ; t'avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis? ». Enfin l'anaphore "je" ainsi que le présent employé en fin de texte cf. « je le tends, je laboure, je grimpe, je perce, je parcours » marque un effet d'insistance. Le vieillard qui a 90 ans s'affirme supérieur par ses valeurs morales tout comme par ses valeurs physiques à l'homme blanc. Sa société est basée sur des valeurs positives à l'inverse de la société européenne dont il fait une forte critique.

3 - La critique de la société européenne

A - Le rejet de la colonisation et de l'esclavage

Dans ce texte Diderot affirme une forte critique de l'esclavage et de la colonisation. Cela est souligné par l'emploi du champ lexical de l'esclavage cf. « esclavage, esclave, asservis, associé dans nos champs au travail de nos animaux ». De plus, il souligne le fort désir de possession de l'homme blanc colonisateur au travers de l'emploi de nombreux adjectifs et pronoms possessifs cf. « notre terre, notre futur esclavage, ce pays est à nous ». L'emploi des termes « le plus fort » et « vol » renforce cette idée de rapport colonisateur basé sur le vol des terres des premiers habitants. L'emploi de nombreuses antithèses cf. « nous sommes libres/notre futur esclavage. Ce pays est à nous/ce pays est à toi ! ; tu n'es pas esclave/tu veux nous asservir » renforce l'opposition entre liberté et esclavage et souligne la contradiction de la position des européens. Enfin, lorsque Diderot dit « nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance contre tes inutiles lumières » il montre son rejet profond du fondement même de la colonisation basée sur l'idée d'apporter la civilisation, prétendument supérieure des européens à des peuples dits "sauvages". Cette idée justifiera la possession de l'empire colonial français au XIXe siècle. Diderot quant à lui met en lumière l'existence d'une véritable civilisation qui préexiste à l'arrivée des européens et qui n'en a pas moins de valeur.

B- La critique des valeurs destructrices

Diderot, au travers de l'emploi du champ lexical de la cruauté cf. « fort, esclavage, vengé , vol, asservir, jetés sur ta personne, pillé, flèche, mourir, mépris, mort» montre que l'homme blanc veut poser son point de vue cruel par la force. Ceci est renforcé par la périphrase « lame de métal » qui signifie bien que cette force va être imposée cruellement au  moyen de l'épée.
Par ailleurs, avec l'emploi des oxymores « besoins superflus » « besoins factices » « vertus chimériques », il souligne les contradictions de la société matérialiste européenne. Ils montrent une véritable dépréciation du mode de vie de l'européen qui ne sait pas se contenter de ce qu'il a, contrairement au tahitien, mais qui cherche toujours un besoin, sans cesse inassouvi, de possession. Il s'agit donc bien d'une société basée sur la propriété, la violence et le matérialisme.

Conclusion
  

Diderot porte donc un regard très sévère sur l'homme blanc. Il fait un véritable réquisitoire étayé et construit contre la volonté de possession et de colonisation de l'homme blanc en valorisant par contraste les valeurs et les fondements de la société tahitienne. On peut donc rapprocher ce texte des écrits de Jean-Jacques Rousseau et notamment du "discours sur l'origine des inégalités entre les hommes".